Impressions de voyageuse (1)
24 novembre 2004
Extrait du témoignage de Pascale GRAFFARD, responsable de la section jeunesse à la BM du CREUSOT (71), le 16 octobre 2004 lors du lancement d’INTIMELIVRES à Chalon-sur-Saône.
Pourquoi partir cette année encore en voyage-lecture avec Livralire ? Déjà onze voyages, et nous voici avec seize classes et cinq accompagnements scolaires embarqués pour une nouvelle aventure, Intimelivres 2004-2005. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Bien sûr, à la bibliothèque, des animations pour les enfants, nous en avons toujours fait, mais il nous manquait une trame qui, nous reliant à d’autres et nous libérant de certaines tâches, nous donnait matière, cadre et énergie pour construire un vrai partenariat avec les écoles. De marcheurs solitaires nous sommes devenus des voyageurs associés. Secondés par Livralire pour le choix de livres, la construction des animations, la communication, nous pouvons consacrer tout notre temps ou presque, aux livres et à leurs destinataires. Que de belles rencontres avons-nous vécues ainsi :
Pour Alterlivres 2002-2003, celle d’un facteur, messager de la tolérance, apportant la paix au pays des oiseaux, (DAUFRESNE, Des goûts et des couleurs, Syros). En arrivant à la bibliothèque, une maîtresse, mise dans le secret, installe ses élèves de maternelle comme d’habitude, quand on frappe à la porte. .. Tiens c’est un facteur, un facteur qui raconte des histoires ! Nous ne remercierons jamais assez « Les Postes et Télécommunications », qui en nous prêtant, la casquette, la chemise et la sacoche du facteur, ont facilité la présentation de l’album, elle-même suivie d’un bel échange épistolaire.
D’autres ont rencontré un vieux le loup amnésique qui sollicita l’aide des enfants pour retrouver ses compagnons de meute parmi les albums. C’est d’ailleurs avec ce genre d’animations, que mes enfants ne s’étonnent plus dans la rue ou au supermarché quand d’anciens petits voyageurs lancent à leur mère un « Bonjour facteur! » ou « Salut vieux loup » !
Quel souvenir Bonhomme misère (LE GUEN, aux bords des continents), rejeté parfois par des adultes dérangés par cet album traitant de la mort et de l’éternité, qui fut immédiatement adopté par des élèves d’une classe de CLIS et admirablement présenté, des mois plus tard, devant d’autres classes. Dans ce groupe, nous avons vu les liens se resserrer entre les enfants après la présentation de C’est quoi ta collec ?( BEN KEMOUN , Nathan, première lune) où les différences sont montrées comme des richesses.
Et dans un groupe de quartier, cet enfant, en rupture scolaire, lisant à voix haute, plusieurs fois, et avec tout son cœur Château faible et château fort (HOESTLANDT, Syros) devant ses camarades, mais aussi des adultes, des enseignants, une journaliste et même Monsieur Le Maire et, pour la dernière représentation, devant ses parents. Plus que l’inscription de toute sa famille à la bibliothèque, ce fut la surprise et l’admiration des parents découvrant un peu de leur enfant, qui nous toucha le plus.
Et cet inoubliable samedi de l’exposition « Frousselivres » où trois voyageurs de CM2 prennent la visite en main, nous relayant spontanément tout comme cette fillette de 5 ans, qui, le mercredi suivant, raconte à sa maman l’histoire de Papa j’ai peur ( GELUCK, Casterman) avec un tel enthousiasme qu’elle se retrouve à la fin de la visite à la tête de tout un groupe de visiteurs très attentifs.
Que dire de nos collaborateurs, enseignants et animateurs fidèles et parfois si touchants comme cet enseignant au regard émerveillé devant la prestation de ses élèves ! Au départ nous le sentions réticent, et nous le retrouvons, deux voyages et un changement d’école plus tard, persuadant lui-même deux autres enseignants toujours fidèles. Nous en sommes presque à souhaiter qu’il ne change plus d’école. Car ils sont nombreux ces enseignants, parfois même en retraite, qui ne comptent ni leur temps, ni leur énergie pour stimuler leurs élèves, affiner les animations, user de toute leur ingéniosité pour créer des ateliers autour des livres.
Comment donc ne pas continuer quand nous voyons les enfants passer de simples consommateurs de livres à des lecteurs, conteurs, acteurs et passeurs d’histoires. En vivant toute une année ce voyage, les histoires deviennent leur histoire avec des copains de la classe ou non, avec des adultes professionnels ou pas, tous prêts à croire encore au… Petit Chaperon Rouge. Les enfants n’ont pas vu de gagnant, de perdant, mais des humains grands et petits, surpris, dérangés, enrichis, emportés par d’autres histoires d’humains. Des connivences, des liens se sont créés. Et comment vivre sans être lié, relié? Comme c’est étrange que LIER soit l’anagramme de LIRE ! Comment vivre sans lire ? Ne posez pas la question aux bibliothécaires qui savent aussi que si lire, c’est faire du lien, faire lire, c’est faire du bien. Vous voyez, les bibliothécaires, finalement, ce n’est pas très ambitieux ! Et ils ne connaissent souvent que cette formule: 1 livre + 1 enfant = une nouvelle histoire. Mais grâce au voyage-lecture , nous avons la formule enrichie : 1 auteur- illustrateur + 1 passeur + 1 lecteur = des centaines d’histoires !
Voilà comment et pourquoi, nous, les bibliothécaires sommes devenues des GM : Gais médiateurs !