Décloisonnons !
14 juillet 2008
Longtemps réservée à l’enfance, l’édition jeunesse a, depuis quelques années, étendu son lectorat en offrant aux plus de 15 ans des collections de fictions spécifiques, des grands formats ou des reprises de parutions adultes, et brouillé les frontières, en publiant des textes illustrés aux thématiques universelles et riches ainsi que des documentaires synthétiques et alléchants qui répondent au besoin de première information ou de vérification de connaissances de bien des adultes.
Cette perméabilité de la frontière éditoriale n’est pas ou peu relayée par les professionnels. Les secteurs sont cloisonnés en librairie et en bibliothèque. Les bibliothécaires adultes achètent en librairie adulte, celles de jeunesse en jeunesse. Les livres édités en jeunesse sont rangés en secteur jeunesse entraînant ainsi des erreurs de localisation (Exemple : Les Giètes de Fabrice Vigne, Thierry Magnier, photo roman, aura une vie plus intense en section adulte) quand ce ne sont pas des oublis délibérés (Exemple : pas un livre jeunesse dans la sélection du Prix littéraire des lycéens de Bourgogne !).
Et pourtant, l’ouverture des formes et des contenus est une chance d’élargissement et de rapprochement des publics. Je pense à :
- ces nonagénaires d’une maison de retraite qui, après avoir protesté « on n’est pas des enfants », ont dévoré les albums que la bibliothécaire leur proposait et en ont réclamé d’autres.
- aux malades à l’hôpital qui rient avec Des pommes de terre de Dorothée Bourget (Gulf Stream), documentaire emprunté sur le chariot « bibliothèque ».
- à la famille qui me dit avoir feuilleté, bien au chaud sous la couette, La Terre racontée aux enfants (De La Martinière jeunesse)
- au professeur de lettres qui après lecture des Ostrogoths de Martine Pouchain (400 coups) s’étonne : « mais il y a donc de beaux livres en jeunesse ! »
- aux sans-papiers qui, après la lecture d’albums (sélection albums grand large 2) demandent à leur animatrice s’il existe des livres un peu comme ça pour leurs jeunes enfants.
En bibliothèque, la pénétration du livre de jeunesse dans le champ des adultes permet de rencontrer autrement les usagers et d’aller au devant des (trop) nombreux publics exclus de la lecture et donc de la fréquentation de ces établissements.
Il est donc nécessaire que les bibliothécaires mutualisent leurs lectures, aient des acquisitions concertées entre secteurs, fassent des rapprochement physiques des livres jeunesse et adulte avec un espace documentaire unique, des bacs albums dits « grand large », un buffet de romans d’origines éditoriales variées et des opérations de promotion comme les pochettes surprises, « le kiosque », livres cousins qui permettent de faire cohabiter et de promouvoir des supports différents édités et en jeunesse et en adulte.
La marque de fabrique d’un livre (son sceau éditorial) ne doit pas limiter son existence. Aux professionnels de chercher les meilleurs emplacements pour les livres et d’inventer des formes nouvelles et créatives de médiation.
Véronique Marie LOMBARD (juillet 2008)