Augmenter le temps d’ouverture au public en bibliothèque : une fausse bonne idée
5 novembre 2007
Dans le rapport Livre 2010, sont proposées 50 mesures pour que « vive la politique du livre ». Concernant les bibliothèques, on peut lire, entre autres (p.94) qu’il est urgent d’élargir la plage horaire en ouvrant le dimanche et en employant pour ce faire des étudiants « qui contribueront à donner une bonne image et à attirer le public des 15-25 ans » et que « cette ouverture le dimanche permet à la population active de venir en famille et constitue une animation culturelle appréciée en centre ville le jour où les commerces sont fermés ».
Qui viendra le dimanche qui ne vient déjà un autre jour ?
En quoi les étudiants vont-ils redorer le blason de lieux en panne d’identité ?
Comment des vacataires, derrière une banque de prêt ou en surveillance de salles, feront-ils pour attirer les familles alors que nombre de professionnels constatent amèrement que leur bibliothèque se dépeuple (contrairement à ce que dit le Credoc !).
En quoi l’augmentation du temps d’ouverture va-t-elle permettre une hausse du nombre de prêts ?
Comment, dans le même rapport, peut-on proposer d’embaucher du personnel non qualifié et insister sur la nécessité de former le personnel ?
Pourquoi la question de la mauvaise image des bibliothèques (usage scolaire ou réservé, accueil médiocre, monde codé, fonctionnement obsolète) est-elle occultée ?
Plutôt que d’ouvrir le dimanche ou d’allonger les après-midis (sans pour autant prolonger les soirées), sans doute conviendrait-il de reposer la question des horaires en tenant compte :
- de l’implantation de la bibliothèque et du type de quartier (résidentiel, d’affaires, populaire)
- des autres activités de la cité et de leur incidence sur les déplacements de population (marché, salle de sports, centre social)
- des habitudes de lecture de la population desservie
- des objectifs de l’établissement , à savoir répondre à la demande d’un public réduit et acquis dont le comportant devient de plus en plus consumériste ou bien offrir une promotion volontaire et dynamique de la lecture à ceux que tout éloigne de la bibliothèque : la langue, la distance, l’aménagement, l’accueil, l’image.
En ouvrant tous les jours, on encourage une bibliothèque « hybride », fourre-tout social et culturel réservé aux initiés avec des professionnels qui deviennent des caissiers ou des hôtesses et n’ont plus ni moyens ni besoin de se former et de travailler en équipe. Pour preuve, le personnel de la Médiathèque de Québec, ouverte toute la semaine, qui ne peut avoir de réunion de service ou, en France, des sections jeunesse qui doivent abandonner des accueils de groupe d’après-midi pour attendre trois visiteurs hypothétiques !
La politique du livre ne peut être dissociée de la politique de la lecture. C’est celle là qu’il est souhaitable de développer en bibliothèque et pour ça, il est impératif de :
- rompre avec les habitudes
- prendre le temps d’évaluer les actions en cours
- prendre le temps de travailler en équipe sur des projets à la fois porteurs pour les usagers et fédérateurs et enthousiasmants pour le personnel, qui a besoin de bien connaître (et donc de lire) le fonds qu’il est chargé de promouvoir.
Et ce n’est pas en séjournant derrière une banque de prêt 3 heures de plus par semaine ou en ouvrant le dimanche, à personnel constant ou pas formé, que cela va être possible !
Véronique Marie LOMBARD (Novembre 2007)